La Grande-Bretagne est-elle européenne ?

Publié le par Alain Renaud

La Grande-Bretagne est-elle européenne ?

Le Brexit, c'est-à-dire la fin de l'adhésion de la Grande-Bretagne à l'Union européenne s'apparente à un serpent de mer et fait couler beaucoup d'encre. 

Cette séparation douloureuse pour beaucoup et, en tout cas, problématique interpelle directement à la fois les Britanniques et les membres de l'Union européenne. 

Elle fait suite à une adhésion qui n'a pas moins été clivante, mais que nombre de politiciens, de commentateurs et d'analystes ont oubliée.

On ne saurait comprendre cette réaction du peuple britannique si on ne prenait pas en compte à la fois des faits récents et lointains. 

Le fait récent majeur, c'est bien évidemment à la fois la vision mercantile et seulement mercantile des Anglais de l'Union européenne et les dégâts produits par les excès de la mondialisation dans les zones en crises que constitue la grande majorité du territoire anglais hors du grand Londres et d'une partie du sud du pays, que la France connaît tout autant dans sa ruralité hors Paris et les plus grandes métropoles. 

Si bien que les conséquences de l'émergence de disparité entre la capitale et le reste du pays, d'une immigration non contrôlée, d'une politique rigide et technocratique qui ignore les traditions ancestrales de la démocratie britannique, autant de phénomènes imputés à l'Union européenne, ont fini par avoir raison d'une adhésion timide et controversée aux Institutions européennes. 

C'est que la Grande-Bretagne n'est pas entrée avec un enthousiasme démesuré dans ce qui fut d'abord la Communauté économique européenne. 

Winston Churchill avait bien encouragé les Européens à s'unir, mais en excluant l'Angleterre.

Mais lorsque nos amis britanniques constatèrent la réussite économique du marché commun, ils cherchèrent à en créer un autre qui lui ferait concurrence. Ce fut l'AELE, l'Association européenne de Libre Échange. 

Lorsqu'ils constatèrent que l'AELE ne fonctionnait pas bien et que nombre de ses membres la quittaient pour rejoindre l'UE, ils changèrent de politique en posant leur candidature à la CEE. 

Deux fois repoussés par Charles de Gaulle en 1963 et 1967, les Anglais trouvent la porte ouverte dès la présidence de Georges Pompidou, mais ne tardent pas à reprendre les arguments du Général pour demander toujours davantage de dérogations à la loi commune. 

Ce mouvement d'aller-retour incessant pose évidemment la question de savoir si la Grande-Bretagne est véritablement une Nation européenne ou non. 

Pour répondre à cette question de fond et avoir la réponse à cette interrogation cruciale, il nous faut retourner très loin en arrière. 

Mais avant de revenir au passé, voyons une évidence spatiale : la Grande-Bretagne est une île. Une île européenne, certes, mais une île.

Et qu'ils soient Corses, Australiens, Siciliens, Japonais, Islandais ou Britanniques, les insulaires ont une identité différente des non-insulaires pour la bonne raison qu'ils sont plus isolés que les autres. 

C'est ainsi grâce à cette insularité que les Anglais ont été moins romanisés que les Gaulois et ont échappé à moult invasions qui ont touché de très nombreux pays européens ( Huns, Mongols, Hongrois, Arabes, Turcs..) ainsi qu'aux conquêtes de Charles-Quint, de Louis XIV, de Napoléon ou d'Hitler, même s'ils ont dû parfois se battre avec constance et courage pour défendre cette insularité qui leur a été si profitable.  

Expansionnistes d'abord sur le continent en France, puis dans le monde entier par le biais de la colonisation, les Britanniques ont toujours eu une politique qui consistait à l'égard des autres pays européens à susciter et payer des coalitions destinées à abattre le pays d'Europe qui pouvait devenir trop puissant, leur faire de l'ombre et les menacer.

Une politique très compréhensible, mais qui a, des siècles durant, isolé un peu plus la Grande-Bretagne de ses voisins européens.

Ayant réussi par le biais du commerce, de l'audace, de la force, à s'implanter sur tous les continents, les Anglais ont conservé la pépite de la Bourse de Londres et espèrent encore pouvoir exercer une influence mondiale en solitaire et ne voient dans l'Europe politique qu'une dimension régionale au sein de laquelle ils ne seraient qu'un pays parmi d'autres.  

To be or not to be in Europe, tel est la question shakespearienne, que les Français qualifieraient de cornélienne qui se pose aujourd'hui encore davantage qu'hier aux Britanniques.

La Grande-Bretagne est une île, mais une île européenne et les Britanniques qu'ils soient Anglais, Écossais ou Gallois sont des Européens à part entière. Son destin ne peut être que de rejoindre un jour ses pays frères en leur apportant toute la richesse de son identité spécifique.

Mais son histoire, sa culture, sa mentalité font qu'elle ne pourra le faire pour son propre bien et ceux des autres que plus tardivement, même si l'on peut sincèrement souhaiter que cette opportunité se produise le plus rapidement possible. 

C'est durant cette période que les Européens continentaux se doivent de refonder entièrement l'Union européenne en rassemblant leur force et leurs diversités si remarquables dans une large Confédération qui les rassemblera sans les étouffer.   

  

 

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article