La France des élections municipales de 2020 ou le triomphe des paradis artificiels

Publié le par Alain Renaud

 

La France a voté. La France des villes. La France parisienne. La France des métropoles.

 

Lors des Trente Glorieuses, c'est-à-dire de 1946 à 1975, tous les talents, toutes les ambitions, toutes les richesses, ont fini de quitter la campagne française pour Paris en achevant un phénomène qui avait commencé véritablement avec la révolution industrielle en 1850.

Aucune autre ville française ne fut capable de s’opposer à ce phénomène.

 

À partir des années 1980, certaines villes comme Lyon, Grenoble, Toulouse, Lille, Nantes, profitèrent de la mobilité croissante de la société rendue possible par celle des transports et d’internet pour attirer à la fois des Parisiens de moins en moins satisfaits de leur cadre de vie, le solde des citadins des petites villes et des villageois qui n’avaient pas rejoint la capitale et se retrouvaient sans emploi.

 

Les Français n’étaient plus ces paysans de toujours qui avaient été l’essentiel des poilus de 1914.

Depuis le début du 20e siècle, ils avaient fui leur campagne, quitté leur terre, abandonné leur indépendance matérielle et d’esprit pour les sirènes et les illusions d’une vie meilleure comme ouvriers à la chaîne ou employés de bureau anonymes, semblables à des fourmis dans leurs fourmilières à l’image de Charlie Chaplin dans « Les Temps modernes ».

Solides, naïfs, courageux, ils avaient constitué une main-d’œuvre parfaite pour les capitaines d’industrie.

Depuis les années 1980, la désindustrialisation progressive de la France et l’idéologie de l’ouverture à tous les vents du large sans possibilité de se protéger les réduisit au chômage, à la dépendance sociale et aux services mal payés sans qu’ils puissent pour autant retourner là d’où ils venaient.

 

Cette idéologie adoptée par les plus grandes puissances mondiales au bénéfice de quelques- uns, c’est-à-dire d’abord par la Grande-Bretagne, puis par les États-Unis, allait s’avérer une faiblesse terrible pour les Français et une très grande partie des Européens au moment où, cette fois-ci au niveau mondial, des mégalopoles monstrueuses se remplirent elles aussi de paysans et d’autochtones en rejetant leur surplus sur les routes du monde.

 

La croissance exponentielle de la population mondiale, la corruption et l’incapacité des gouvernants de multiples pays d’Afrique et parfois d’Asie ou d’Amérique à développer leurs pays, démultiplièrent les mouvements de population vers ces villes de France et d’Europe qui avaient déjà vidé les campagnes de leur substance en y attirant des populations du monde entier, essentiellement africaines en France.

 

Parallèlement, la désindustrialisation de la France dite périphérique, l’apparition d’emplois précaires, le chômage massif qui en résulte et l’urbanisation toujours plus forte de la population au profit d’un seul centre véritable à tous les niveaux, Paris et de ses satellites provinciaux, amplifièrent  à l’extrême les problèmes de pollution, de mobilité, de santé et d’harmonisation de la société qui ont toujours été ceux d’une urbanisation débridée.

Les quelques privilégiés qui profitaient des avantages essentiellement culturels de la ville commencèrent à trouver de moins en moins de charme à une pollution permanente, à la congestion des transports et à une insécurité toujours grandissante.

 

C’est alors que surgit sans que personne ne s’y attente la plus grande épidémie du siècle que chacun pensait être d’un temps révolu.

 

Les urbains des métropoles, et tout particulièrement les Parisiens, les plus touchés, comprirent rapidement que vivre dans un appartement pendant des semaines interminables loin , du soleil, du ciel, de la mer, de la montagne, de la campagne et des animaux, c’était tout simplement l’enfer.

Déjà persuadés avant cette pandémie, dans leur immense majorité, qu’il leur fallait quitter les paradis artificiels de la ville, ils cherchent désormais encore davantage à passer à l’acte.

 

Mais, dans le système macrocéphale français ultra-centralisateur, trouver une activité en pleine nature conforme à leurs illusions de consommateurs toujours plus avides n’est pas toujours une évidence.

Si certains, de plus en plus nombreux de par l’irruption du télétravail et de la liberté extraordinaire d’internet, ont pris la décision de sauter le pas pour gagner moins mais vivre mieux en quittant Paris et désormais également des grandes villes, ceux qui restent par contraintes professionnelles ou ambitions moins avouables, se disent comme le nouveau maire de Lyon, Grégory Doucet, pourquoi pas «  créer des forêts urbaines » au sein des villes plutôt que partir vivre dans la forêt ?  

L’inverse d’Alphons Allais qui voulait « construire les villes à la campagne » parce que       « l’air y est plus sain » !

 

Effectivement, pourquoi continuer de quitter la ville pour aller à la campagne si on peut mettre la campagne dans la ville ?

Il ne reste plus qu’à introduire sous la Tour Eiffel, la basilique de Fourvière, la Bonne Mère de Marseille ou sur la place du Capitole quelques vaches, quelques chevaux, quelques agneaux, quelques loups, quelques ours, quelques serpents et autres bestioles qui vivront tous en excellente harmonie et qui se délecteront des champs de céréales et autres cultures cultivés sur les toits des immeubles.

 

A moins qu’ils ne se trouvent en concurrence avec ces nouveaux immigrés venus du monde entier qui aimeraient eux-aussi participer gracieusement au festin ?

Mais s’il y en a pour certains, il y en a bien pour d’autres…

 

Et puis si la campagne part en ville, plus besoin d’aller à la campagne et ce d’autant plus que plus personne ne vivra là-bas dans ces coins paumés où la forêt est à l’abandon et les champs en jachère.

 

Voilà un beau programme prévu par quelques uns pour le bonheur de tous ou plutôt de tous ceux qui sont fatigués des politiciens et qui ont voulu voter écolo en pensant que l’écologie n’est pas dans le champ politique, si on peut dire…

Ils ont raison. Elle ne devrait pas l’être.
Elle ne devrait pas ! Mais elle l’est.

 

Ce n’est pas en mettant les forêts dans les villes qu’on supprimera les paradis artificiels, mais en aidant les urbains à fuir ces monstruosités, ces « vaches multicolores » que dénonçait Friedrich  Nietzche, ces lieux «  où ils veulent tous approcher le trône : c’est leur folie – comme si le bonheur était sur le trône ! Souvent la vase est sur le trône,- et souvent aussi la trône est dans la vase.……

Tout ce qui est grand se passe loin de la place publique et de la gloire ».

 

La « Tour de Babel » n’est pas le paradis et ne le sera jamais.

 

Les écologistes sont une invention des villes et ne devraient pas exister.

La France a inventé la République Une et Indivisible, mais la France n’est pas cette République Une et Indivisible.

Elle est, depuis la Gaule, diverse et plurielle et ne sera heureuse et forte que lorsqu’elle sera marier l’Unité à la Diversité, sachant que la diversité sans l’unité est l’anarchie, mais que l’unité sans la diversité, c’est la tyrannie.

 

Qu’elle soit écologique ou pas. 

 

 

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