L'Allemagne, nœud gordien de l'Europe ?

Publié le par Alain Renaud

 

L'Allemagne, plus grande puissance démographique et économique de l'Europe, située en son centre, s'avère aujourd'hui à nouveau le nœud gordien de l'Europe. 

Éclipsée temporairement par d'autres puissances européennes ascendantes, la France puis la Grande-Bretagne, l'Allemagne a depuis la fin du XIXe siècle retrouvée la prépondérance qui fut la sienne depuis la fin de l'Empire romain. 

Une prépondérance toutefois encore démographique et économique, mais plus de nature politique, puisqu'elle a perdu, comme presque tous les pays européens, sa liberté de décision au profit de son tuteur américain. 

Une anomalie totale pour un peuple qui depuis l'antiquité a été un des seuls d'Europe à n'avoir jamais été vaincu par d'autres.

Bien au contraire, la spécificité de l'Allemagne c'est d'avoir triomphé des Romains et de tous les peuples dominés par eux.

Les Allemands, c'est-à-dire les Germains comme disent encore les Anglo-Saxons (Germans), sont le seul peuple européen à avoir résisté à la conquête romaine, ce qui ne fut pas le cas des divers peuples celtes ou autres : Celtes de Gaule ( France ), de Bretagne ( Grande-Bretagne ), d'Italie du Nord ( Lombardie ), d'Ibérie ), Ibères, Grecs, Basques et autres.

Sans pour autant se substituer aux populations celtes indigènes, ils les dominèrent politiquement par le biais de leurs diverses tribus ( Francs, Angles, Saxons, Burgondes, Lombards, Wisigoths, Ostrogoths.. ) et créèrent ainsi les premiers royaumes européens depuis la colonisation des Celtes par les Romains. 

Ils purent continuer à dominer tous les autres peuples d'Europe par le biais du Saint Empire Romain Germanique, devenu tentaculaire, multinational, multiculturel, multiconfessionnel, hétéroclite, de par sa fusion apparente avec ses ramifications autrichiennes des Habsbourg et Espagnoles. 

Cet édifice artificiel vit peu à peu son centre quitter les Allemagnes pour la péninsule Ibérique et ne résista pas à la soif de liberté des peuples asservis à un pouvoir qu'ils ne reconnaissaient pas à l'image des habitants des Pays-Bas. 

Par ailleurs les excroissances territoriales que les Germains avaient acquises tant à l'Ouest qu'à l'Est sur les autres peuples   ( Gaulois, Slaves ) se heurtèrent progressivement à la reconquête par les Français en Lorraine et Alsace et des Polonais à l'Est des régions d'où ils avaient été chassés, puis à une domination totale jamais acceptée de la France napoléonienne, fille de la Révolution française.   

Affaiblie pour la première fois, l'Allemagne, continuellement à la recherche de ses frontières mouvantes depuis l'antiquité, ne retrouva sa puissance qu'à la fin du XIXe siècle avec l'émergence de la Prusse sous la férule d'Otto Von Bismarck. 

Blessée dans son essence, dans sa langue, dans son âme, elle commença à se soulever derrière le flambeau de Schiller et de Goethe pour finir par le rassemblement de son peuple dans une unité politique qu'elle n'avait jamais véritablement connue. 

Décidée à retrouver ses frontières perdues et ses frères germaniques qui avaient volontairement ou involontairement choisi de lier leur destin avec d'autres peuples européens ( Autrichiens, Suisses alémaniques, Alsaciens, Lorrains mosellans, Flamands…), c'est avec rage et furie qu'elle se rua à l'assaut de ses voisins d'abord seulement Danois, Autrichiens, Français d, puis Slaves comme les Polonais ou les Tchèques, pour finir par la folie meurtrière et le triomphe absolu du Mal d'Adolf Hitler. 

Un Mal dont l'Allemagne ne s'est toujours pas délivrée, hélas, comme si le fils d'Hitler devait payer à jamais pour la faute de son père.

Une situation aussi absurde que celle de vieux pays dont les ancêtres se sont mal comportés à un moment donné, à l'exemple des Romains / Italiens dans presque toute l'Europe, des Espagnols, Français ou Anglais en Amérique latine ou en Afrique…

Occupés pour la première fois de leur longue Histoire par les armées des États-Unis d'Amérique, subissant leur influence culturelle au point de devenir les moins européens de tous les Européens, au point que même Madame de Staël qui avait si remarquablement décrit l'âme allemande dans ses écrits ("De l'Allemagne")serait bien en peine de la retrouver aujourd'hui. 

La conséquence de cet état de fait, c'est que l'Allemagne d'aujourd'hui, tout comme le Japon d'ailleurs, reste le pays d'Europe qui s'est le moins délivré de son passé et qui hésite encore à reprendre sa liberté de penser et d'action.

Ecartelée longtemps entre l'alliance avec la France offerte par Charles de Gaulle et la dépendance politique et militaire des États-Unis, l'Allemagne n'a encore opté que pour la réussite économique dans le cadre d'une Union européenne dont elle est la première bénéficiaire à condition de ne pas dilapider sa richesse pour d'autres Européens. Ce qu'elle a réussi remarquablement à faire jusqu'à présent.

Mais cette situation ne saurait durer éternellement.

Le retour progressif des peuples sur la scène mondiale et tout particulièrement européenne qui se manifeste sous des formes variées aussi bien à l'est de l'Europe (Pologne, Hongrie…) qu'en son centre (Autriche, Suisse, Tchéquie…) et désormais à l'ouest (Italie, Grande-Bretagne, Catalogne dite espagnole..) contribue à changer le paradigme idéologique de la vision de notre continent.  Une réaction salutaire face aux excès d'une mondialisation apportée certes par le progrès technique, mais totalement incontrôlée et au seul bénéfice d'une minorité apatride universelle comme pouvait l'être autrefois une certaine aristocratie européenne.

Au point d'opprimer les peuples qui désormais manifestent au grand jour leur soif de liberté, tels nos frères allemands qui au moment de la réunification si espérée de leur pays chantèrent à tue-tête "Wir sind ein volk"- "Nous sommes un peuple".  

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Si cet article vous a intéressé, je vous invite à lire mes deux derniers ouvrages: 

La France, un destin, Ed. l'Harmattan

L'Europe, un destin, Ed l'Harmattan 

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