Johnny, le deuil de la France d'hier et du monde ancien
Johnny était un homme éminemment sympathique et attachant. Il ne faisait pas partie de l'élite. Il ne voulait blesser personne. Et surtout il cherchait auprès des autres un amour qui lui faisait défaut depuis son enfance, ce qui le rendait particulièrement humain.
Sa voix atypique, la passion qu'il mettait à chanter des airs aux paroles souvent troublantes et touchantes, son désir de rencontrer son public aussi bien au stade de France que dans des villes de très petites tailles, son amour de jeunesse d'une Amérique rêvée des grands espaces, avaient séduit presque tous les Français.
Sa mort survient en plein hiver. Elle était, malheureusement, prévisible. Elle provoque une onde massive dont on ne sait si elle est véritablement spontanée ou provoquée par les médias. Les jours suivant son décès, cette onde envahit tout. De l'aurore au coucher du soleil, plus rien n'existe que la fin d'une idole. Pas une chaîne de télévision, pas une radio, n'ont cessé à longueur de journée de parler de l'Évènement. L'Académicien Jean d'Ormesson décédé la vieille n'existait définitivement plus, Emmanuel Macron, qui pensait que tous les regards se porteraient sur son déplacement en Algérie, en fut réduit à commenter ce drame national.
La France s'est arrêtée.
La victoire des Bleus de
Mais pourquoi donc Johnny avec son nom emprunté au mythe américain et ses origines franco-belges, semble-t-il être à lui seul la France d'hier et celle du « monde ancien », selon respectivement Stefan Zweig qui songeait à « l'Europe d'hier » avant le nazisme et d'Emmanuel Macron à la France des « forces du monde ancien » précédent son arrivée au pouvoir ?
Il est la France d'hier et du monde ancien, parce qu'il incarne une France tolérante, humaine, pour ne pas dire humaniste. Sa bienveillance aux politiques de droite, sa discrétion vis-à-vis de ceux de gauche, rassemblent les Français de tous bords.
S'il aime le rock d'outre-Atlantique, s'il emprunte un faux nom et un faux père américain à ses début, il ne cherche pas, comme nombre de chanteurs français et européens, à démultiplier les ventes de ses disques en adoptant la langue anglaise et en se précipitant sur les scènes de New York et du monde entier.
L'énorme croix à la guitare brandie sur son torse montre qu'il n'hésite pas à afficher sa foi chrétienne, sans condamner pour autant toute autre croyance, là où les hypocrites et les peureux se cachent dans une lâche neutralité. Il est entier. Il ne se cache pas. Ils adoptent les enfants qu'il ne peut plus avoir avec celle qui lui a enfin apporté le bonheur et montre sa générosité avec tous ceux qui l'approchent sans toujours percevoir les profiteurs professionnels.
Ses concerts au fin fond de la France comme dans sa capitale parlent aux oubliés, à la France "périphérique", à celle des petits villages, des exclus de la réussite, à ceux « qui ne sont rien ».
Mais, néanmoins, il est aussi la France d'aujourd'hui, parce qu'il sait utiliser les ressources de la communication moderne. Il crée des spectacles grandioses, toujours plus étonnants dans la mise en scène et le gigantisme comme un défi toujours relevé. En sachant utiliser les techniques les plus sophistiquées.
Les Français pleurent plus que jamais en Johnny une France qui n'existe plus, la France d'hier, celle du monde ancien, celle du bonheur et des années heureuses dont ils se souviennent encore, dont ils gardent la nostalgie à fleur de peau, qu'ils ont longtemps connue et qui n'est plus celle d'aujourd'hui.
La France de demain, dont ils espèrent secrètement et ardemment, au fond de leur cœur, la Renaissance ?